Julia Malye : Le fait que je n’avais jamais entendu parler d’elles : ces femmes ont été oubliées par l’histoire française comme américaine pendant des siècles. J’étudiais aux États-Unis lorsque j’ai découvert leur existence : j’avais toujours été très intriguée par la Louisiane, cet État américain à la complexe histoire culturelle, aux bayous pleins d’oiseaux, aux villes parfois curieusement européennes. C’est là que mes recherches ont débuté.

Tous les personnages dont on entend la voix, principaux et secondaires, sont des femmes. Pourquoi avez-vous choisi d'écrire cette histoire uniquement à travers elles ?

L’histoire de la colonisation a essentiellement été racontée par les hommes. En proposant un autre point de vue, je voulais montrer la façon dont le corps de ces femmes a été instrumentalisé, un peu comme ceux des personnages féminins dans La Servante écarlate de Margaret Atwood. Mon but était aussi de changer notre regard sur ces femmes, que l’on réduit trop souvent à leur rôle de mères ou d’épouses, alors qu’elles étaient bien plus que cela.

Tout au long du roman, on a le sentiment que ces femmes échangent une captivité contre une autre. Est-ce un roman sur la liberté ?

S’affranchir leur est impossible, mais ces femmes inventent leurs propres stratégies dans un monde qui les met sans cesse au défi. Le roman examine aussi les rapports de force et de pouvoir entre ces Françaises et ceux qui n’étaient pas libres du tout, les autochtones et les Africains asservis. Dans un système d’oppression plus large, ce livre imagine la façon dont ces femmes ont pu créer leurs propres espaces de liberté, et partir à la rencontre d’elles-mêmes.