L'impulsive (Grand format)

J'ai quitté un esprit, en transit, et abandonné avec modestie un faux-semblant d'appartement meublé ou décoré façon papier mâché sur ton blanc cassé, en emportant - caché dans l'espoir nécessaire - mon nouveau roman et toutes nos années passées à s'éviter puis à s'espérer.

Tout a continué, lorsqu'un matin d'hiver et d'eau chaude coupée, j'ai entendu cette phrase grippée sortir de mon vieux transistor délavé: "je recherche la muse de ma vie. Je l'ai connue à quinze ans devant un goûter aux framboises posées sur un nuage de crème fouettée et je l'ai peinte à vingt-deux sur un fond bleu océan, et dans un atelier pas chauffé."

Un jour, au milieu de tant de mots inutiles, j'ai lu le manuscrit de Sandra Tohorah.

Soudain, c'était comme si cette femme inconnue me soulevait de terre, collait son visage contre le mien pour gueuler d'amour, sans facilité, sans convenances, sans volonté de séduire, sans putasserie.

Depuis Narcisse et Goldmund d'Hermann Hesse, je n'avais plus jamais ressenti ce vertige si violent qui vous oblige à cesser la lecture et à poser un livre.

Chaque mot de Sandra fait résonner en nous les harmoniques d'émotions oubliées, de larmes contenues, de cris étouffés.

Sandra Tohorah ne fera jamais partie des auteurs de salon, des faiseurs, des truqueurs, de tous ceux qui se prétendent écrivains et ne sont que des comptables. Pourtant chez elle, rien n'est gratuit. Elle paie comptant et on devine qu'elle le paie cher.

Je ne ferai pas l'injure de dire de Sandra qu'on l'attendait depuis Céline. Je pense qu'elle balancerait un verre contre un mur en hurlant.